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mercredi 22 mai 2013

Religions orientales dans l'empire romain : Les cultes Egyptiens


             

  Sérapis, Isis et Osiris
Á l'époque romaine, la religion égyptienne n'a plus qu'un rapport lointain avec les cultes
archaïques. Les Lagides ont jumelé les panthéons, et les statues des nouveaux dieux nilotiques
respectaient les canons grecs. Sérapis fut l'une des plus remarquables de ces figurations
nouvelles. Le nom viendrait du mot "oserapis", ou Osiris-Apis, le "taureau mort", assimilé à Osiris.
 Les Grecs le comparaient à Pluton ou à Dionysos le ressuscité. En arrière plan de ces cultes dits
"isiaques" on retrouve les vieux mythes agraires reliés au retour cyclique des saisons. La mort
du héros ou du souverain, ici Osiris, est suivie de sa résurrection. Les Romains étaient fascinés
par l'exotisme des cultes initiatiques égyptiens. Cependant, après le suicide de Cléopâtre, incarnation
pharaonique d’Isis tuée par un aspic, la ferveur fut très éprouvée, et la religion temporairement
persécutée.  La plupart des empereurs romains l'ont cependant soutenue. Caligula, Claude, Néron,
Vespasien, Domitien, Hadrien, et Marc Aurèle favorisèrent successivement le rétablissement des cultes
 alexandrins qui gênaient pourtant l’expansion chrétienne dans l’empire. Le cruel Commode,
autoritairement déifié, poursuivit cette politique jusqu’à la caricature (et jusqu’à son assassinat).
Au 2ème siècle, la religion égyptienne revitalisée gagna même les provinces extérieures de l’Empire,
la Gaule, l’Espagne, les plaines du Danube, et elle se répandit dans tout le Nord de l’Afrique,
y compris Carthage.

Ce culte de Sérapis fut à l’origine de la diffusion des cultes égyptiens dans le monde
gréco-romain. Sérapis synthétisait Zeus, Osiris et Apis. Ptolémée Sôter lui fit bâtir le
Serapeum, un temple immense et somptueux. Au début de l'ère, le culte de Sérapis
était installé à Rome avec celui d'Isis. Comme les autres cultes à mystère, l’initiation
isiaque comportait une mort fictive. Elle faisait du myste un nouvel Osiris qui
mourrait et ressuscitait chaque année. Les cérémonies secrètes sont restées assez
mystérieuses. Le nom d’Osiris ne devait jamais y être énoncé. Hérodote lui-même
avait été initié et resta très attentif à ne jamais citer le nom sacré dans la relation
de son voyage en Égypte, vers ~450. Voici comment il en parle. "Dans le temple
de Minerve, à Saïs, on peut voir la sépulture du dieu dont il serait sacrilège
de prononcer le nom (...). On donne de nuit, sur le lac de la Roue, à Délos, des
représentations de sa passion que les Égyptiens appellent des Mystères. J’en sais
beaucoup plus sur ces Mystères, mais je me garderai bien d’en parler, ainsi que des
Mystères de Cérès que les Égyptiens appellent la fête des Rites (...). A Saïs, la nuit
de la fête d’Isis, tout le monde allume des lampes dehors, autour des maisons. On
appelle cela la Fête des Illuminations. Ceux qui n’assistent pas à la cérémonie veillent
quand même chez eux toute la nuit et allument leurs lampes, si bien que, cette nuit-là,
toute l’Égypte est illuminée.




La culture originaire d'Alexandrie rayonnait tout autour de la Méditerranée ce qui favorisa
l'extension des cultes nilotiques dans tout l'Empire. Au ~2e siècle, Isis, la grande déesse de
 vie et de résurrection eut un autel au Capitole. Elle fut bientôt adorée partout et son culte
 revêtit des aspects curieux et une importance considérable. En dépit des réactions et des
 destructions périodiquement ordonnées par le Sénat, les cultes égyptiens restèrent très
 populaires à Rome, tout particulièrement celui d’Isis. Il apparaît aujourd’hui que certaines
 statues chrétiennes, miraculeusement trouvées, seraient en fait des idoles antiques consacrées
 à la très païenne déesse égyptienne. Quelques vierges noires pourraient être des statues
 d’Isis. Les cultes isiaques célébraient quotidiennement des rites qui évoquaient le rôle solaire
 d’Osiris. Il y avait un office du matin, avec ouverture des portes du temple, allumage des
feux, présentation aux fidèles de l’eau du Nil, (symbole d’Osiris), toilette et vêture des statues,
chants et prières. Un autre office commençait l'après-midi vers quatorze heures, avec hymnes
et longue adoration extatique. Il durait jusqu’à l’adieu du soir à la déesse et la fermeture du
temple. Les dévots pouvaient louer des cellules pour la nuit, et une organisation conventuelle
hôtelière permettait même aux fidèles de faire retraite à l’intérieur du temple. L’organisation
des cultes et du clergé était remarquablement efficace.

La légende d’Isis et d’Osiris était commémorée à Rome par deux grandes fêtes,
celle du Navigium ou du Vaisseau d’Isis, au printemps, et celle de l’Invention
d’Osiris, à l’automne. Les fidèles parcouraient la ville, frappant aux portes de
maisons et agitant leurs sistres pour inviter les habitants aux célébrations.
La fête du Vaisseau d’Isis débutait par un véritable carnaval, avec costumes
divers ou même déguisements cocasses. Une grande procession rigoureusement
ordonnancée commençait ensuite. En tête venaient les femmes couronnées de
fleurs, suivies de la foule, portant des cierges et des flambeaux, puis le groupe
des mystes, vêtus de lin blanc et agitant des sistres sonores. Les prêtres terminaient
le cortège. Ils avançaient, le crâne rasé et tout de blanc vêtus, avec les divers
instruments de leurs fonction, lampes et caducées. Ils précédaient les porteurs
des représentations des dieux, les statues d’Anubis, d’Isis Hathor, des vases d’or
contenant de l’eau Osirienne du Nil. Le Grand Prêtre fermait la marche, portant
une couronne de roses et un sistre d’or. Au bord de la mer un vaisseau attendait,
décoré à l’égyptienne. On disposait autour de lui toutes les figures des dieux, et les
prêtres le purifiaient avec du feu, des œufs et du souffre. Puis ils le consacraient
à Isis et on le chargeait des diverses offrandes apportées par la foule. Enfin, on le
libérait et on le laissait s’en aller en mer, au gré des courants.
La grande fête initiatique de l’Invention d’Osiris avait lieu fin Octobre. Elle
commençait par trois jours de plaintes, de simulacres et de deuil en évocation
de la mort d’Osiris et de la désespérance d’Isis recherchant les morceaux du
corps démembré par Seth. Au matin du troisième jour, la foule s’assemblait
pour la cérémonie spectaculaire de la fin des retrouvailles. Les fidèles criaient
" Nous l’avons retrouvé ! "  et la joie explosait.  Les mystes étaient ensuite
baptisés avec de l’eau lustrale, et le prêtre appelait sur eux la bénédiction des
dieux. Il ordonnait leur purification et donnait des instructions secrètes relatives
au déroulement des Mystères qui devient être célébrés dix jours plus tard. Au
soir de l’initiation, le candidat vêtu de blanc entrait au fond du sanctuaire, et le
vrai mystère commençait. Sur celui-ci, nous ne savons pas grand chose, si ce n’est
que le myste passait alors "le seuil de Proserpine" et subissait une mort symbolique.
Au cours de la nuit, il semble que, nouvel Osiris, il suivait symboliquement la
course du soleil dans le séjour des morts. A l’aube, avec le soleil du matin, il
réapparaissait vêtu de douze robes qui symbolisaient les constellations. Il était
couronné des "palmes d’Horus" et revêtait "la robe olympienne", attribut des dieux.
Dans cette splendeur, il était alors présenté à la foule, sur une estrade, face à la statue
d’Isis. Ces nouvelles naissances étaient suivies de banquets, ce jour là et le lendemain.

La présence d'un important clergé permanent et la célébration d'offices quotidiens constituaient
une grande nouveauté dans le monde romain. Ils l'ont préparé à l'arrivée des imposants ministères
chrétiens. Le culte isiaque accordait une grande importance à la femme. Isis était tout à la fois
la mère universelle, la reine du ciel, et l'image renouvelée de toutes les grandes déesses gréco-latines,
Déméter, Vénus, Artémis, Héra, Cybèle et d'autres. Son culte plaisant er même joyeux n'était entaché
d'aucun rite sanglant. Il répondait tout autant aux besoins individuels de retraite spirituelle des dévots
solitaires qu'aux aspirations festives collectives auxquelles répondaient les grandes célébrations
saisonnières. Aussi fut-il très populaire. Les statues de la déesse étaient souvent parées de
bijoux précieux et les cérémonies spectaculaires réjouissaient autant le peuple que les esthètes.
Le pouvoir s'en émut parfois jusqu'à vouloir limiter son influence. Plusieurs empereurs, tels Auguste
ou Tibère, s'y employèrent. Ses temples furent plusieurs fois détruits puis reconstruits. Le culte fut
parfois temporairement interdit dans la Cité et la statue d'Isis fut même jetée au Tibre, mais d'autres
empereurs s'employèrent à le soutenir. Les cultes nilotiques de Sérapis et d'Isis prospérèrent en
Gaule, en Espagne, en Afrique du Nord, et dans tout le Bassin méditerranéen jusque dans les lointaines
provinces danubiennes, et certaines  monnaies romaines portèrent les empreintes des dieux isiaques

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