HYPOCAUSTUM
Textes latins
En complément de
l’article sur le chauffage par hypocauste nous présentons ici un recueil de
textes d’auteurs antiques traitant de ce système et de son utilisation dans des
structures thermales. Ce recueil n’est pas exhaustif mais présente quelques
textes relatifs au système d’hypocauste. Outre le texte original en latin vous
y trouverez une traduction française ainsi que quelques renseignements
biographiques sur les auteurs.
AUSONE, LA MOSELLE, 338-344
Decimus Magnus Ausonius (310-395 après J.-C.) fut professeur de
grammaire et d’art oratoire dans sa ville natale de Bordeaux avant d’être
appelé à Trèves pour devenir le précepteur du futur empereur Gratien. Ce
dernier l’honora ensuite de hautes charges, il fut consul en 379 puis proconsul
d’Asie. Ces œuvres poétiques sont des récréations sur des sujets limités :
portraits de héros ou d’empereurs, descriptions de villes, revue de ses
occupations quotidiennes… La Moselle est
le reflet de son séjour sur les bords de ce fleuve qui arrose la ville
impériale de Trèves. Il y évoque
brièvement les grands thermes impériaux.
BALNEA, FERVENTI CUM MULCIBER HAUSTUS OPERTO
VOLVIT ANHELEATAS TECTORIA PER CAVA FLAMMMAS,
INCLUSUM
GLOMERANSAESTU EXSPIRANTE VAPOREM
VIDI EGO DEFESSOS
MULTOSUDORE LAVACRI
FASTIDISSE
LACUS ET FRIGORA PISCINARUM,
UT VIVIS
FRUERENTUR AQUIS, MOX AMNE REFOTOS
PLAUDENTI
GELIDUM FLUMEN PEPULISSE NATATU.
Que
dire de ces bains construits sur la grève du fleuve ? Une épaisse fumée
s’en échappe, alors que Vulcain, englouti au fond de l’étuve brûlante, roule
les flammes qu’il exhale dans les canaux pratiqués à l’intérieur des murailles
revêtues de chaux, et condense la vapeur enfermée dont les tourbillons
s’élancent au dehors. J’ai vu des baigneurs fatigués à force d’avoir sué dans
la salle de bain, dédaigner les bassins et la piscine glacées pour jouir des
eaux courantes, et, ranimés bientôt par le fleuve, frapper à grands bruits ses
ondes fraîches dans les ébats de leur natation.
MACROBE, LES SATURNALES, III, XV, 3
Macrobius
Ambrosius Theodosius fut un sénateur romain qui vécut à la fin du IVème et au
début du Vème siècle après J.-C. Sa principale œuvre Les Saturnales découle d’une intention pédagogique dans le but de
mettre à la disposition de son fils Eustathe un ensemble de
connaissances : grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, musique,
géométrie astronomie…
HIC EST SERGIUS
ORATAQUI PRIMUS BALNEAS PENSILES HABUIT, PRIMUS OSTREARIA IN BAIANO LOCAVIT PRIMUS OPTIMUM SAPOREM OSTREIS
LUCRINIS ADJUTICAVIT. FUIT AUTEM AETATE L. CRASSI ILIUS DISERTI, QUI QUAM GRAVIS ET
SERIUS HABITUS SIT ETIAM CICERO DOCET.
C’est
Sergius Orata qui fut le premier à avoir des bains suspendus, le premier à
établir un parc à huîtres près de Baïes. Le premier à proclamer la supériorité
du lac Lucrin. Il fut le contemporain de L. Crassus le grand orateur, dont
Cicéron atteste, lui aussi, la gravité et la sagesse.
PALLADIUS, OPUS AGRICULTURAE, XXXIX, 1-5
Rutilius
Taurus Aemilianus Palladius était propriétaire de riches domaines agricoles en
Italie et en Sardaigne à la fin du Vème siècle après J.-C. Son œuvre intitulée Opus Agriculturae est un manuel pratique
pour de riches propriétaires voulant s’installer à la campagne. Il y prodigue
toute une série de conseils tant pour la construction et l’organisation d’un
domaine que pour les activités agricoles elles-mêmes.
NON ALIENUM
EST, SI AQUAE COPIA PATIATUR, PATREM FAMILIAS DE STRUCTURA BALNEI COGITARE,
QUAE RES ET VOLUPTATI PLURIMUM CONFERAT ET SALUTI. ITAQUE BALNEUM CONSTITUEMUS
IN EA PARTE QUE CALORFUTURUS EST, LOCO AB UMORE SUSPENSO, NE ULIGO EUM
FORNACIBUS VICINA REFRIGERET. LUMINA EI DABIMUS A PARTE MERIDIANA ET OCCIDENTIS
HIBERNI, UT TOTADIE SOLISIUVETUR ET INLUSTRETUR ASPECTU.
SUSPENSURAS UERO CELLARUM SIC FACIES : AERAM
PRIMO BIPEDIS STERNIS ; INCLINATA SIT TAMEN STRATURA AD FORNACEM UT, SI
PILAM MISERIS, INTRO STARE NON POSSIT, SED AD FORNACEM RECURRAT : SIC EUENIET
UT FLAMMA ALTUMPETENDO CELLAS FACIAT PLUS CALERE. SUPRA HANC
STRATURAM PILAE LATERCULIS ARGILA SUBACTA ET CAPILLO CONSTRUCTAE FIANT? DISTANTES
A SE SPATIO PEDIS UNIUS ET SEMISSIS, ALTAE PEDIBUS BINIS SEMIS. SUPER HAS PILAS
BIPEDAE CONSTITUANTUR BINAE IN ALTUM, ATQUE HIS SUPERFUNDATUR TESTACEA
PAVIMENTA ET TUNC, SI COPIA EST, MARMORA CONLOCENTUR.
Il
ne serait pas mauvais que le maître de maison, s’il a de l’eau en quantité
suffisante, s’occupe de faire construire une salle de bains, dont l’usage est à
la fois fort agréable et excellent pour la santé. On en aménagera donc une dans
la partie de la maison où se trouvera la source de chaleur, et dans un endroit
dépourvu d’humidité, pour éviter que ne se produise, du fait de la proximité de
la chaudière, une évaporation qui refroidirait la pièce. On munira celle-ci de
fenêtres au midi et au couchant d’hiver, de manière qu’elle soit éclairée et
agrémentée tout le long du jour par les rayons du soleil.
PALLADIUS, OPUS AGRICULTURAE, XL, 1-3 : DE MALTHIS CALIDAE ET FRIGIDAE
SCIRE CONVENIT,
QUONIAM DE BALNEIS LOQUIMUR, QUAE SUNT MALTHAE CALIDARIE UEL FRIGIDARIAE, UT SI
QUANDO IN SOLIIS SCISSA SINT OPERA, POSSIT REPENTE SUCCURI. CALIDARIAE CONPOSITIO
TALIS EST : PICEM DURAM, CERAM ALBAM PONDERIBUS AEQUIS, STUPAM, PICIS
LIQUIDAE TOTIUS PONDERIS DIMIDIAM PARTEM, TESTAM MINUTAM, FLOREM CALCIS, OMNIA
SIMUL MIXTA CONFUNDES ET IUNCTURIS CURABIS INSERERE. ALITER AMMONIACUM REMISSUM, FICUM, STUPAM, PICEM LIQUIDAM TUNDES
IN PILO ET IUNCTURAS OBLINES.
ALITER
AMMONIACUM ET SULFUR UTRUMQUE RESOLUTUM LINE UEL INFUNDE IUNCTURIS. ITEM PICEM
DURAM, CERAM ALBAM ET AMMONIACUM SUPER REMISSUM SIMUL IUNCTURIS ADLINE, ET
CAUTERE CUNCTA PERCURRE. ITEM FLOREM CALCIS CUM OLEO MIXTUM INCTURIS INLINE, ET
CAUE NE MOX AQUA MITTATUR.
ALITER SANGUINI
TAURINO ET OLEO FLOREM CALCIS ADMISCE, ET RIMAS CONIUNCTONIS OBDUCITO. ITEM
FICIUM ET PICEM DURAM ET OSTREI TESTAS SICCAS SIMUL TUNDES. HIS OMNIBUS
IUNCTURAS DILIGENTER ADLINES. ITEM MALTHAE FRIGIDARIAE, SANGUINEM BUBULUM,
FLOREM CALCIS, SCORIAM FERRI PILO UNNIUERSA CONTUNDES ET CEROTI INSTAR EFFICIES
ET CURABIS ADLINERE.
LE MASTIC POUR EAU CHAUDE ET POUR EAU
FROIDE
Il
est bon de savoir, puisque nous en sommes au chapitre des bains, de quel mastic
il faut se servir pour les ouvrages contenant de l’eau chaude ou froide, de
manière que, si les baignoires viennent à se fissurer, on puisse les réparer
immédiatement. S’il s’agit d’eau chaude on mélangera ensemble de la poix dure,
un poids égal de cire blanche, de l’étoupe, de la poix liquide pesant la moitié
du total, de la brique pulvérisée et de la fleur de chaux, et l’on fera
colmater les joints avec ce mélange.
On
peut encore les enduire ou les colmater avec de la gomme ammoniaque et du
soufre pulvérisés. On peut aussi les enduire de poix solide et de cire blanche
mélangées et saupoudrées de gomme ammoniaque, puis passer un fer chaud sur cet
enduit. On peut également les enduire de fleur de chaux mêlée à de l’huile, en
prenant soin de ne pas faire couler d’eau tout de suite.
Autre
recette : mélanger de la fleur de chaux avec du sang et de l’huile,
et recouvrir de ce mélange les fissures
de la jointure. On peut aussi broyer ensemble des figues, de la poix solide et
des coquilles d’huîtres sèches, et enduire avec soin les joints de ce mélange.
S’il s’agit d’eau froide on broiera ensemble dans un mortier du sang de bœuf,
de la fleur de chaux et du mâchefer, de manière à en faire une sorte de cérat,
dont on se servira comme enduit.
PLINE L’ANCIEN,
HISTOIRE NATURELLE, XXXV, 46
Pline l'Ancien (en latin Gaius Plinius Secundus)
est un écrivain et naturaliste romain du Ier siècle, auteur
d'une monumentale encyclopédie intitulée Histoire naturelle. Il naquit
en 23 après J.-C. à Novum Comum (l'actuelle Côme) dans le nord de
l'Italie et décéda en 79, à Stabies (Stabia en latin), près de Pompéi, lors de
l'éruption du Vésuve. Il adopta son neveu qui prit le nom de Caius Plinius
Caecilius Secundus, Pline le Jeune, en 79 après J.-C. L'Histoire
naturelle (Naturalis historia), qui compte trente-sept volumes, est
le seul ouvrage de Pline l'Ancien qui soit parvenu jusqu'à nous. Ce document a
longtemps été la référence en sciences et en techniques. Pline a rassemblé le
savoir de son époque sur des sujets aussi variés que les sciences naturelles,
l'astronomie, l'anthropologie, la psychologie ou la métallurgie.
ETIAM UT
OMITTANTUR IN FRUGUM, VINI, POMORUM, HERBARUM ET FRUTICUM, MEDICAMENTORUM,
METALLORUM GENERIBUS BENEFICIA EIUS QUAQUE ADHUC DIXIMUS, UEL ADSIDUITATE
SATIANT FIGLINARUM OPERA, DOLIIS AD UINA EXCOGITATIS, AD AQUAS TUBULIS, AD
BALINEAS MAMMATIS, AD TECTA IMBRICIBUS, COCTILIBUS LATERCULIS FUNDAMENTISQUE
AUT QUAE ROTA FIUNT, PROPTER QUAE NUMA REX SEPTIMUM COLLEGIUM FIGULORUM
INSTITUIT. QUIN ET DEFUNCTOS SESE MULTI FICTILIBUS SOLIS CONDI MALUERE, SICUT
M. VARRO, PYTHAGORIO MODO IN MYRTI ET OLEAE ATQUE POPULI NIGRAE FOLIIS.
Sans même
parler de tous les bienfaits qui concernent les différentes espèces de
céréales, de vins, de fruits, d’arbres et d’arbustes, de médicaments, de
métaux, toutes choses dont nous avons déjà traité, les objets de terre cuite
par leur abondance même, satisfont pleinement nos besoins : jarres
inventées pour les vins, conduites pour l’eau, briques creuses pour les bains,
tuiles pour les toits, moellons cuits et éléments de fondations, ainsi que tous
les objets faits sur le tour ; usage en raison duquel le roi Numa a
institué un septième collège celui des potiers. Bien plus nombreux sont ceux
qui ont choisi d’être enterrés après leur mort dans des cuves de terre cuite,
comme M. Varron, enseveli à la mode pythagoricienne dans des feuilles de myrte,
d’olivier et de peuplier noir.
PLINE LE JEUNE, Lettres, V, 24-26
Pline
le Jeune, de son vrai nom Caius Plinius Caecilius Secondus (61-114 après
Jésus Christ.), naquit à Côme, une cité du nord de l'Italie. Il était le neveu
et le fils adoptif de Pline l'Ancien (qui mourut lors de l'éruption du
Vésuve.). A l'âge de 18 ans, Pline le Jeune entreprit alors le cursus
honorum. Il fut successivement sénateur, questeur, tribun du peuple,
préteur, et consul. Pline le Jeune fut ami avec Tacite, et travailla
avec Suétone. Il écrivit de nombreuses poésies, des lettres (Pline
avouait s'inspirer de Cicéron, dont le style était cependant bien moins
grandiloquent et bien plus direct.), ainsi que le Panégyrique de Trajan.
Pline le Jeune mourut probablement vers 114 après Jésus Christ, alors qu'il
était légat de Bithynie (l'on déduit qu'il mourut à cette époque sachant que
nous n'avons plus d'écrits de lui, postérieurs à cette date.).
IDEM CUBICULUM
HIEME TEPEDISSIMUM, QUIA PLURIMO SOLE PERFUNDITUR. COHAERET HYPOCAUSTON ET, SI DIES
NUBILUS, IMMISSO UAPORE SOLIS UICEM SUPPLET. INDE APODYTERIUM BALINEI LAXUM ET
HILARE EXCIPIT CELLA FRIGIDARIA, IN QUA BAPTISTERIUM AMPLUM ATQUE OPACUM. SI
NATARE LARTIUS AUT TEPIDIUS VELIS, IN AREA PISCINA EST, IN PROXIMO PUTEUS, EX
QUO POSSIS RURSUS ADSTRINGI, SI PAENITEAT TEPORIS.
FRIGIDARIAE
CELLAE CONECTITUR MEDIA, CUI SOL BENIGNISSIME PRAESTO EST ; CALDARIA MAGIS ;
PROMINET ENIM. IN HAC TRES DESCENSIONES, DUAE IN SOLE, TERTIA A SOLE LONGIUS,
ALUCE NON LONGIUS.
Cette chambre
est en même temps très bonne en hiver parce que le soleil la baigne
abondamment. Elle est attenante au chauffage souterrain qui, si le temps est
nuageux, envoie de la chaleur pour remplacer le soleil. Ensuite est le
vestiaire des bains, spacieux et gai, puis la salle du bain froid, où se trouve
un grand bassin d’eau très fraîche. Si l’on veut pour nager plus d’espace et
une température plus douce, il ya dans la cour une piscine, tout près d’un
puits dont l’eau peut servir à raffermir la peau quand on en a assez de l’eau
tiède.
Au bain froid
touche le bain intermédiaire, où le soleil s’offre généreusement ; il s’offre
plus encore au bain chaud qui est en saillie. Dans ce dernier sont trois
baignoires creusées dans le sol, deux au soleil, la troisième un peu à l’écart
de ses rayons directs mais non de la lumière.
SÉNÈQUE, Lettre à Lucilius, 90, 25
Sénèque (en latin Lucius Annaeus Seneca), né dans l'actuelle Cordoue au sud de l'Espagne vers 4 av. J.-C., mort le 12 avril 65 ap. J.-C., est un philosophe de l'école stoïcienne, un dramaturge et un homme d'État romain du Ier siècle de l'ère chrétienne. Il est parfois nommé Sénèque le Philosophe, Sénèque le Tragique ou Sénèque le Jeune pour le distinguer de son père, Sénèque l'Ancien.
Conseiller à la cour impériale sous Caligula et précepteur de Néron, Sénèque joue un rôle important de conseiller auprès de ce dernier avant d'être discrédité et acculé au suicide. Ses traités philosophiques comme De la colère, Sur la vie heureuse (en latin, De Vita beata) ou De la brièveté de la vie (De Brevitate vitæ), et surtout ses Lettres à Lucilius exposent ses conceptions philosophiques stoïciennes : « Le souverain bien c'est une âme qui méprise les événements extérieurs et se réjouit par la vertu ». Ses tragédies constituent l'un des meilleurs exemples du théâtre tragique latin avec des œuvres qui nourriront le théâtre classique français du XVIIe siècle comme Médée, Œdipe ou Phèdre.
"OMNIA" INQUIT "HAEC SAPIENS QUIDEM INVENIT : SED MINORA QUAM UT IPSE TRACTARET SORDIDIORIBUS MINISTRIT DEDIT" iMMO NON ALIIS EXCOGITATA ISTA SUNT QUAM QUIBUS HODIEQUE CURANTUR. QUAEDAM NOSTRA DEMUM PRODISSE MEMORIA SCIMUS, UT SPECULARIORUM USUM PERLUCENTE TESTA CLARUM TRANSMITTENTIUM LUMEN, UT SUSPENSURAS BALNEORUM ET INPRESOS PARIETIBUS TUBOS PER QUOS CIRCUMFUNDERETUR CALOR, QUI IMA SIMUL AC SUMMA FOUERET AEQUALITER. QUID LOQUAR MARMORA QUIBUS TEMPLA, QUIBUS DOMUS FULGENT? QUID LAPIDEAS MOLES IN ROTUNDUM AC LEUE FORMATAS, QUIBUS PORTICUS ET CAPACIA POPULARUM TECTA SUSCIPIMUS? QUID VERBORUM NOTAS? QUIBUS QUAMUIS CITATA EXCIPITUR ORATIO ET CELERITATEM LINGUAE MANUS SEQUITUR? VILISSIMORUM MANCIPIORUM ISTA COMMENTA SUNT.
"Toutes ces inventions sont du sage ; mais, comme elle ne méritaient pas d'être mises en œuvre par lui-même, il les a résignées à d'humbles exécutants". Non ces découvertes là n'eurent pas d'autres auteurs que les gens qui, jusqu’aujourd’hui vaquent à leur exécution. Il en est, nous le savons, qui datent tout juste de notre temps, tel l'agencement de ces carreaux de fenêtres dont la plaque diaphane transmet la lumière dans sa pureté ; tels les bains sur chambre de chauffe et les conduites de chaleur aménagées dans les murs de manière à entretenir de bas en haut une température toujours égale. Parlerai-je des marbres dont nos temples, dont nos maisons resplendissent ; des fûts énormes de pierre polie étayant des portiques, des palais où tout un monde tiendrait à l'aise? Rappellerais-je la notation par signes abréviatifs, qui enregistre instantanément le plus rapide et permet à la main de s'adapter à la célérité de la parole? Les plus vils esclaves ont fournis ces trouvailles.
SÉNÈQUE, Lettre à Lucilius, 90, 25
Sénèque (en latin Lucius Annaeus Seneca), né dans l'actuelle Cordoue au sud de l'Espagne vers 4 av. J.-C., mort le 12 avril 65 ap. J.-C., est un philosophe de l'école stoïcienne, un dramaturge et un homme d'État romain du Ier siècle de l'ère chrétienne. Il est parfois nommé Sénèque le Philosophe, Sénèque le Tragique ou Sénèque le Jeune pour le distinguer de son père, Sénèque l'Ancien.
Conseiller à la cour impériale sous Caligula et précepteur de Néron, Sénèque joue un rôle important de conseiller auprès de ce dernier avant d'être discrédité et acculé au suicide. Ses traités philosophiques comme De la colère, Sur la vie heureuse (en latin, De Vita beata) ou De la brièveté de la vie (De Brevitate vitæ), et surtout ses Lettres à Lucilius exposent ses conceptions philosophiques stoïciennes : « Le souverain bien c'est une âme qui méprise les événements extérieurs et se réjouit par la vertu ». Ses tragédies constituent l'un des meilleurs exemples du théâtre tragique latin avec des œuvres qui nourriront le théâtre classique français du XVIIe siècle comme Médée, Œdipe ou Phèdre.
"OMNIA" INQUIT "HAEC SAPIENS QUIDEM INVENIT : SED MINORA QUAM UT IPSE TRACTARET SORDIDIORIBUS MINISTRIT DEDIT" iMMO NON ALIIS EXCOGITATA ISTA SUNT QUAM QUIBUS HODIEQUE CURANTUR. QUAEDAM NOSTRA DEMUM PRODISSE MEMORIA SCIMUS, UT SPECULARIORUM USUM PERLUCENTE TESTA CLARUM TRANSMITTENTIUM LUMEN, UT SUSPENSURAS BALNEORUM ET INPRESOS PARIETIBUS TUBOS PER QUOS CIRCUMFUNDERETUR CALOR, QUI IMA SIMUL AC SUMMA FOUERET AEQUALITER. QUID LOQUAR MARMORA QUIBUS TEMPLA, QUIBUS DOMUS FULGENT? QUID LAPIDEAS MOLES IN ROTUNDUM AC LEUE FORMATAS, QUIBUS PORTICUS ET CAPACIA POPULARUM TECTA SUSCIPIMUS? QUID VERBORUM NOTAS? QUIBUS QUAMUIS CITATA EXCIPITUR ORATIO ET CELERITATEM LINGUAE MANUS SEQUITUR? VILISSIMORUM MANCIPIORUM ISTA COMMENTA SUNT.
"Toutes ces inventions sont du sage ; mais, comme elle ne méritaient pas d'être mises en œuvre par lui-même, il les a résignées à d'humbles exécutants". Non ces découvertes là n'eurent pas d'autres auteurs que les gens qui, jusqu’aujourd’hui vaquent à leur exécution. Il en est, nous le savons, qui datent tout juste de notre temps, tel l'agencement de ces carreaux de fenêtres dont la plaque diaphane transmet la lumière dans sa pureté ; tels les bains sur chambre de chauffe et les conduites de chaleur aménagées dans les murs de manière à entretenir de bas en haut une température toujours égale. Parlerai-je des marbres dont nos temples, dont nos maisons resplendissent ; des fûts énormes de pierre polie étayant des portiques, des palais où tout un monde tiendrait à l'aise? Rappellerais-je la notation par signes abréviatifs, qui enregistre instantanément le plus rapide et permet à la main de s'adapter à la célérité de la parole? Les plus vils esclaves ont fournis ces trouvailles.
LE CHAUFFAGE PAR HYPOCAUSTE,
L’exemple de la villa gallo-romaine de Cénac
(Gironde33)
Lors de l’opération archéologique de
sauvetage urgent qui s’est déroulée au lieu dit « Square
Saint-André » à Cénac (33) du 17/02/1997 au 14/03/1997, des vestiges antiques
ont été mis au jour. Le village de Cénac est situé au Sud-Est de Bordeaux dans
l’Entre-Deux-Mers. Le décapage et la fouille ont été réalisés sur la parcelle
immédiatement à l’ouest de l’église. Les traces d’occupation antiques sont
présentes sur l’ensemble des secteurs décapés. Le plan partiel suggère la
présence sur le site d’une villa gallo-romaine dont une zone est équipée d’un
système d’hypocauste.
La fouille de ce secteur a, dans un
premier temps, suscité notre intérêt et, pour satisfaire notre curiosité une
visite à la bibliothèque nous parut nécessaire. Malheureusement, bien que les
principes de ce mode de chauffage soit connus de tous, la plupart de la
bibliographie mentionnant ce système ne
répondait pas totalement à nos interrogations. En effet si la majorité des
écrits s’accordent sur les principes, ainsi que sur la description de la
chambre de chaleur (area, pilettes, suspensura), d’autres éléments sont
l’objet de controverse lorsqu’ils ne sont pas totalement ignorés.
L’exemple de Cénac[1]
Les
deux pièces chauffées de petite taille, se trouvent dans la partie sud de ce
corps de bâtiments. L’hypocauste comporte à l’origine un sol (area) de 5.90m sur 3.20m, séparé transversalement
par trois petits murets ménageant des passages d’air chaud. Ce sol se compose d’un
radier de petits blocs calcaires sur lequel a été coulé un béton de tuileau.
Les murs sud et ouest de 0.53m de large, encore en élévation sur
0.25m sont construits en opus mixtum
(alternance de moellons calcaires et de tegulae
posées à plat). Ils sont encore recouverts par endroits d’un enduit de chaux
blanc-gris de 1cm d’épaisseur.
Les murs nord et est partiellement épierrés
présentent les mêmes caractéristiques techniques.
Au nord des deux salles, la chambre
de chauffe a été remblayée avec des matériaux de construction (moellons parfois
rubéfiés, tuiles, morceaux de marbre blanc). L’absence de fondations ou
d’épierrement laisse supposer la présence d’une structure en matériaux légers
(appentis). Une grande quantité de charbons de bois recouvrait la base du
creusement de la chambre de chauffe. A la jonction de celle-ci et du sol des
pièces chauffées, il est possible de reconnaître une partie des dalles en terre
cuites du praefurnium (foyer).
Pour l’hypocauste en lui-même, des
assises de pilettes en brique carrées, de 22cm de côté, liées à l’argile ont pu
être observées en place. Certains des éléments de terre cuite constituant ces
pilettes sont apparemment des grandes tuiles à tétons (tegulae mammatae) retaillées pour la circonstance. De plus des
traces de pilettes en négatif ont pu être reconnues dans la partie occidentale
de la zone. Leur alignement ne montre pas un plan rigoureux.
Dans un deuxième état, un
réaménagement voit le bouchage des passages d’air chaud à l’aide de mortier, de
morceaux de tuiles, et de petits blocs de calcaire informes. Le passage de
l’air chaud ne se faisait alors plus que par des tubulures en terre cuite à 20
cm du sol, réduisant ainsi la température de la pièce la plus éloignée du
foyer. Egalement dans cette pièce, il a été possible d’observer en place la
présence, à la base de la chambre de chaleur, d’une tuile maintenue
verticalement à distance du mur par un clou. Ces éléments suggèrent sur ce site
l’utilisation du système des tegulae
mammatae que nous verrons plus en détail par la suite.
La datation et l’interprétation de
cet ensemble posent problème. En effet aucun indice ne permet de proposer une
date pour la construction de l’hypocauste. Les niveaux de destruction-abandon
contiennent eux des céramiques datées du IVème siècle après J.-C..
La fonction du bâtiment fait
également problème : le seul indice allant dans le sens d’une fonction
thermale est la présence d’un caniveau contigu au mur sud de l’hypocauste.
Pourtant aucun lien direct n’est apparu entre le caniveau et l’hypocauste.
Toutes ces questions apparues sur ce
modeste chantier de fouilles nous incitent
à pousser plus loin les investigations sur ce procédé témoin du haut
degré de la technologie antique.
Historique
D’un point de vue historique, bien
avant l’invention de l’hypocauste, le premier système de chauffage fut le foyer
ouvert. Situé au cantre de la pièce d’habitation principale, il servait autant
à la cuisson des aliments qu’au chauffage de la maison. Ce système convenait
mal à des habitats plus évolués composés de multiples pièces. La réponse à ce
problème fut apportée par l’invention de braseros portatifs, déplaçables d’une
pièce à l’autre. Ces sortes de récipients furent d’abord en terre cuite puis en
métal[2].
Ils pouvaient servir d’appareil de chauffage comme de réchaud pour les
aliments. Ce système fut extrêmement répandu même s’il présentait
l’inconvénient d’être responsable de nombreux incendies[3].
Les
cheminées (âtres) étaient connues des Romains, pourtant ils les utilisèrent
très peu. Il faut attendre le XIème siècle pour voir ce système se généraliser
définitivement[4].
Parallèlement à cette évolution des
techniques de chauffage nous pouvons constater que l’usage du bain individuel
chaud était courant chez les Grecs. Les romains des premiers siècles, quant à
eux, faisaient peu usage du bain. Il faut attendre la fin du IIIème siècle
avant J.-C. pour que les balnéaires fassent leur apparition à Rome tant avec
les thermes publics que dans les habitations privées. Les bains publics
s’appelèrent désormais balneae. Il
semble donc que les grands thermes romains tels que nous les connaissons
procèdent d’une tradition grecque. Des
vestiges du IVème siècle avant J.-C. ont été mis au jour à Syracuse
(canalisations passant sous certaines parties de la pièce à chauffer).
C’est à Pompéi que la rencontre de ces deux
civilisations paraît s’être concrétisée dans ce domaine. Ainsi, les thermes de
Stabies, sont probablement les plus anciens connus. Ces bains sont restaurés au
début du Ier siècle avant J.-C. et ils contiennent désormais des salles sur
hypocauste. Cette invention de l’hypocauste est sans aucun doute l’élément le
plus marquant de l’histoire du chauffage dans l’antiquité. Elle est le fait
d’un certain Caius Sergius Orata contemporain de Sylla[5].
Le mot hypocauste bien que composé de deux mots d’origine grecque, est
d’origine latine[6].
On peut le traduire par « chauffage par en dessous » ou
« chauffage par le sol ». Le mot hypaucausis désigne le foyer souterrain alors qu’hypocaustum désigne plus précisément le
lieu supportant les sols chauffants.
Ce système se généralise alors dans les
thermes publics mais également dans les demeures privées et plus
particulièrement dans les grandes villas rurales. A l’origine il est sans doute
assez peu efficace mais il va bénéficier rapidement de trois innovations
technologiques au début du premier siècle de notre ère. Ce fut tout d’abord la
découverte du verre à vitre[7]
qui permit une meilleure isolation des bâtiments, ensuite celle des matériaux
résistants au feu (réfractaires) et enfin l’invention des tubuli qui permettaient à l’air chaud de circuler dans des murs
creux[8].
Il est possible que les inventeurs des tubuli
se soient inspirés des doubles cloisons
isolantes destinées à protéger une pièce de l’humidité. Les pièces ainsi mieux
isolées, la chaleur plus également répartie permirent de produire des
températures beaucoup plus élevées ( jusqu’à 40° dans les piscines[9]).
Le système de chauffage par hypocauste pouvait alors atteindre son efficacité
optimale à la fin du premier siècle après J.-C. A ce moment la technique put
autoriser la construction des grands ensembles thermaux impériaux tels que nous
les connaissons. Cette technique à son apogée fut rapidement adaptée au
chauffage domestique. Surtout dans la partie septentrionale de l’empire romain
et à partir de 150ap. J.-C. selon Kretzschmer[10].
C’est sans doute à partir de cette période que se place la construction de
l’hypocauste de Cénac. Le chauffage par hypocauste perdurera sans
perfectionnement notable jusqu’à la fin de l’empire. Dans les pays
septentrionaux il se prolongera parfois au Moyen-âge pour disparaitre ensuite
au profit du feu ouvert et de la cheminée. En Corée l’usage de l’ong-dol , système de chauffage au moyen
d’une sorte d’hypocauste dont l’existence est attestée depuis le néolithique
dans des habitats semi-souterrains, s’est prolongée jusqu’à nos jours [11].
Ce chapitre tente de faire une synthèse des
informations que nous avons recueillies concernant la description des
différents éléments constituant l’hypocauste.
La
chambre de chauffe
La
chambre de chauffe est le local où débouche le foyer de l’hypocauste. Le mot praefurnium désigne plus
particulièrement le foyer. D’après Vitruve[12]
la chambre de chauffe se nommerait propigneum
ou « l’élément le plus extérieur de l’hypocauste » d’après J.
Delorme[13]
qui définit également le praefurnium
comme « l’ouverture par laquelle on charge le four ».
Les bains privés ont le plus souvent un
hypocauste à foyer extérieur qui s’avance dans la chambre de chauffe. Elle est
donc souvent assez vaste pour des raisons pratiques évidentes. A Pompéi seuls
les bains sont chauffés par hypocauste et la tubulature y est à peine connue en
79 après J.-C. lors de la destruction de la ville[14].
Dans cette ville le foyer de l’hypocauste est presque toujours situé dans la
cuisine ou dans un local contigu à celle-ci. Cet arrangement se comprend pour
les multiples facilités qu’il apporte. Qu’elle soit ou non dans la cuisine, la
chambre de chauffe est presque toujours dans une zone retirée de la maison. En
Gaule les structures sont moins bien conservées qu’à Pompéi mais il semble que
cuisine et chambre de chauffe soient rarement associées. J.-M. Degbomont[15],
pour une zone correspondant approximativement à l’ancienne Belgique Romaine,
fait ressortir huit types de chambres de chauffes différents. Il établit sa
classification en tenant compte de la position de la chambre de chauffe dans la
maison, de sa structure fermée ou ouverte, de sa taille et de la présence ou
non d’escalier, de couloir de service…
Pour ce qui est du chauffage domestique il
existe deux exemples rapportés par Pline le Jeune[16]
et Palladius[17]
concernant la péninsule italienne. Dans nos régions de Gaule le chauffage
domestique est une adaptation du système prévu pour le chauffage des bains.
Cependant il y demeure plus rare. Une étude par J.-M. Degbomont de nombreux hypocaustes
du nord de la Gaule lui permet d’affirmer que la taille de la chambre de
chauffe ne dépend pas de la vocation thermale ou non de l’édifice et n’est donc
pas un critère d’identification de la vocation des hypocaustes.[18]Il
en ressort également que les chambres de chauffe à l’intérieur de l’habitat
sont les plus nombreuses (78%). De plus les foyers pour chauffage domestique
sans chambre de chauffe se réduisaient souvent à une simple ouverture dans le
mur de la pièce à chauffer avec parfois, devant le foyer, une aire de dalles en
terre cuite ou une simple fosse. Le mode de couverture des chambres de chauffe
est extrêmement mal connu pour des raisons de conservation de cette partie
élevée de l’habitat que constitue la toiture. Lorsqu’on ne retrouve pas de
substructions en dur il est possible d’imaginer l’existence d’un appentis en
bois. En résumé la chambre de chauffe est plutôt considérée comme une annexe
par rapport au reste de la maison. De ce fait elle est souvent située dans des
parties retirées ou à la périphérie de la villa. Elle était souvent
grossièrement ou légèrement construite et son sol de terre battue.
A Cénac la chambre de chauffe semble de
construction légère (pas de traces de fondations ou de substructions en dur).
La seule structure précédent le foyer est une fosse servant sans doute à
l’évacuation des cendres.
Le
foyer et le canal de chauffe
Le foyer est le centre du système de
chauffage par hypocauste. Une fois de plus il convient de distinguer le foyer
des bains de celui du chauffage domestique. Si la conception initiale est la
même ils diffèrent pourtant dans leur réalisation.
Le foyer pour chauffage domestique
est un simple couloir souvent voûté, qui prend jour dans la chambre de chauffe
ou à l’air libre, traverse le mur de la chambre de chaleur et aboutit dans
cette dernière. Le canal de chauffe est le prolongement de ce couloir dans la
chambre de chaleur. Ce système est appelé « système à foyer
intérieur » par F. Kretzschmer par opposition au foyer pour chauffage des
bains qu’il appelle « système à foyer extérieur ». L’observation des
foyers de chauffage domestique montre qu’ils sont le plus souvent dans
l’épaisseur même du mur de la chambre de
chaleur. En effet J.-M. Degbomont dénombre quatre types de foyers pour le
chauffage domestique dont ce dernier est le plus courant[19].Viennent
ensuite les foyers dans l’épaisseur du mur de la chambre de chaleur avec canal
de chauffe intérieur, puis les foyers à l’extérieur de la chambre de chaleur
avec canal de chauffe intérieur et enfin le foyer extérieur sans canal de
chauffe intérieur. Ces foyers (voûtes, murets, sols) sont généralement
construits en matériaux réfractaires afin de résister à des températures
élevées. Cependant le chauffage domestique ne demandant pas de hautes
températures, on retrouve souvent des foyers construits en pierre locale. La
sole, où repose directement le feu, est, elle, presque toujours construite en
matériaux réfractaires (briques ou tuiles plates posées de champ). Les foyers
d’hypocauste étaient généralement précédés d’une surface aménagée servant à la
préparation du combustible et à l’évacuation des cendres. Selon F. Kretzschmer[20]
une porte de fermeture du foyer avec aération était indispensable au bon
fonctionnement de l’hypocauste. Malheureusement les trouvailles de ce genre
demeurent très rares, le métal de ces portes ayant pu être réemployé à d’autres
fins. En ce qui concerne le chauffage des bains, malgré une conception
identique au chauffage domestique, nous pouvons constater des différences quant
à leur aspect final. En effet on leur demandait également de chauffer l’eau au
moyen de chaudières placées dans la chambre de chauffe.
Enfin nous constatons au cours des fouilles
la présence quasiment systématique de cendres et de charbons de bois dans les
chambres de chauffe et les foyers. A ces cendres sont parfois mêlés des déchets
de cuisine laissés là par les hommes chargés de l’entretien des feux : les
fornacatores.
A Cénac le foyer a entièrement disparu.
Cependant la structure de la chambre de chauffe ainsi que l’absence du moindre
reste d’un canal de chauffe suggèrent un système à foyer intérieur. Ce type est
le plus couramment utilisé en ce qui concerne le chauffage domestique.
La
chambre de chaleur
Il n’existe pas d’équivalent latin pour
désigner cette pièce. Il s’agit en fait d’un sous-sol dans lequel débouchait le
foyer. Les chambres de chaleur à pilettes, destinées au chauffage domestique
étaient le plus souvent carrées ou rectangulaires. Le sol (area) était constitué de béton de tuileau parfois recouvert de
tuiles plates ou de briques. Sur cette area
on construisait, le plus souvent, des pilettes de terre cuite composées de
disques ou carreaux empilés les uns sur les autres et liés entre eux par de la
terre crue. Parfois ces pilettes étaient construites en pierre locales ou tout
aussi rarement constituées de cylindres creux en céramique. Quelles que soient
leurs formes ou leurs matières elles avaient pour rôle de soutenir le sol de la
pièce à chauffer qui se trouvait ainsi suspendu (suspensura). Parfois les chambres de chaleur n’étaient pas
construites avec des pilettes mais avec des canaux creusés dans le sous-sol de
la pièce à chauffer. Cependant les hypocaustes à pilettes sont le type le plus
courant. La pilette classique selon Vitruve doit être de terre cuite et mesurer
20 centimètres de côté pour une hauteur de 75 centimètres. Dans la réalité la
taille et la forme des pilettes retrouvées varient très largement selon les
sites. La plupart des carreaux ou disques constituant les pilettes étaient liés
entre eux par de l’argile crue. Les exceptions sont constituées de briques
liées au mortier. Les pilettes servant de support aux baignoires étaient soit
plus épaisses soit reliées entre elles par des voûtes afin de supporter un
poids plus élevé.
Le sol de la chambre de chaleur, appelé
aussi sol d’hypocauste, radier d’hypocauste ou area avait pour rôle de supporter les
pilettes. Pour cette partie il est inutile de distinguer chauffage domestique
et chauffage des bains car sa disposition est identique dans les deux systèmes.
Vitruve donne deux prescriptions importantes pour la construction des sols
d’hypocaustes[21].
Ceux-ci doivent être carrelés de briques d’un pied et demi (environ 45 cm) et
doivent être inclinés vers le foyer afin de faciliter la circulation de la
flamme sous le radier suspendu. Il semble que dans les grands thermes les sols
d’hypocauste aient toujours été carrelés avec des matériaux réfractaires. Pour
les bains privés et le chauffage domestique, les carreaux de terre cuite sont
souvent remplacés par du mortier. Dans tous les cas ce revêtement supérieur est
posé sur un radier de pierres plates posées de champ. En ce qui concerne
l’inclinaison de ces sols, et malgré les recommandations de Vitruve, un très petit
nombre d’entre eux ont été découverts avec le sol incliné.
La suspensura
était construite suivant un principe de base quasiment toujours respecté. Sur
les pilettes on disposait de grandes dalles carrées en terre cuite de deux
pieds de côté (environ 60 centimètres) et de 5 à 6 centimètres d’épaisseur[22].
Sur ces dalles de suspensura on
coulait une couche de béton (chaux + gravier + sable + tuileau concassé) de 10
à 15 centimètres d’épaisseur qui devait assurer l’étanchéité de l’ensemble. Sur
cette couche de béton venait le revêtement final. Celui-ci était composé d’une
mince couche de béton polie ou stuquée, d’un dallage de marbre ou de calcaire
ou encore d’une mosaïque.
Pour terminer avec les chambres de chaleur,
il est utile de mentionner les chambres de chaleur constituées de canaux
permettant à l’air chaud de circuler sous le sol de la pièce à chauffer. En
Gaule ce système semble plus récent que celui des pilettes. Les hypocaustes à
canaux étant plus nombreux dans les constructions privées du Bas-Empire.
En ce qui concerne la chambre de chaleur de
Cénac, l’équipe de fouille a pu y constater la présence de pilettes en terre
cuite classiquement liées à l’argile. De son côté la suspensura a totalement
disparue en raison de l’état d’arasement avancé du site.
L’évacuation
de l’air chaud et des fumées
Lorsque l’air venu du foyer avait livré sa
chaleur à la suspensura, il était,
avec les fumées de combustion, aspiré à l’intérieur de murs creux avant d’être
évacué à l’extérieur.
Vitruve, écrivant à la fin du premier
siècle avant notre ère, ne semble pas avoir connu la tubulature qui apparaît
dans la première moitié du premier siècle après J.-C. Au fil des lieux et du
temps il y eu trois façons de fabriquer des murs creux.
Le procédé assurément le plus perfectionné
et qui devint rapidement le plus courant à partir du premier siècle de notre
ère fut la construction de murs creux en tubuli. Leur forme n’a pratiquement pas varié au
cours du temps, seules les dimensions sont variables. Ils se présentent sous la
forme d’un parallélépipède creux, de section carrée ou rectangulaire. Ces
briques creuses étaient entassées les unes sur les autres et côte à côte de
manière à former une paroi creuse. Elles étaient souvent munies d’ouvertures
sur les faces latérales de telle sorte que les tubuli communiquaient entre eux horizontalement. Ils prenaient leur
départ au niveau de la suspensura
entre celle-ci et le mur de façon à communiquer avec la chambre de chaleur. En
raison de l’état d’arasement des sites nous savons peu de choses sur la façon
dont se terminaient ces rangées verticales de tubuli.
La dernière technique nécessite l’emploi de
cheminées. Ou retrouve plus facilement leurs traces que celles de la tubulature
car elles étaient souvent encastrées ou emmurées donc mieux protégées. Elles
n’étaient pas seulement destinées à évacuer la fumée mais servaient également
de tuyaux de chauffage. Dans des pièces carrées ou rectangulaires leur nombre
minimum devait être de quatre. Elles sont le plus souvent situées dans les
coins. Les dimensions des boisseaux de cheminée sont nettement plus grandes que
celles des tubuli. Les cheminées
emmurées, c'est-à-dire placées dans l’épaisseur même du mur de la pièce à
chauffer, débouchent dans la chambre de chaleur par un conduit horizontal ou
oblique. Les cheminées avancées étaient construites contre la face intérieure
des murs de la pièce à chauffer. Elles débouchaient dans la chambre de chaleur.
Ce type malgré l’inconvénient esthétique est sans doute le plus couramment
utilisé. Les maigres indices laissés par l’archéologie permettent tout de même
de supposer que ces cheminées débouchaient à l’extérieur en dessous du niveau
du toit.
A Cénac, il semble que deux techniques
différentes aient été employées sans que nous puissions trancher sur le
caractère simultané ou successif de leur utilisation. En effet dans une des
deux pièces chauffées nous avons pu constater la présence, en place, d’une
tuile maintenue par un clou à la base de la chambre de chaleur. De plus des
éléments de terre cuite brisés et noircis, semblant provenir de la destruction
de tubuli, ont été retrouvés dans les remblais de la chambre de chauffe.
Conclusions
Le travail d’étude et de recherche
nécessaire à la rédaction de cet article nous a permis quelques comparaisons
entre l’hypocauste de Cénac et les caractéristiques techniques généralement
admises dans la bibliographie. Malgré cela, la question de la fonction de
l’hypocauste de Cénac (thermes ou chauffage domestique) reste ouverte.
Cependant, certains indices vont plutôt
dans le sens du chauffage domestique. En effet, à Cénac, nous sommes en
présence d’une chambre de chauffe légère probablement constituée d’un appentis
en bois et d’une simple fosse de dégagement devant le foyer. Ce foyer, comme
nous l’avons vu, semble appartenir au « système à foyer intérieur »,
le plus utilisé pour le chauffage domestique. La chambre de chaleur, quant à
elle, est de facture classique (pilettes de terre cuite liées à l’argile,
posées sur un mortier de tuileau reposant lui-même sur un radier de blocs
calcaires. Le seul élément original est le réemploi, pour la construction des pilettes,
de tegulae mammatae coupées en quatre. Il est impossible de parler de la suspensura qui a totalement disparu.
Par comparaison avec les statistiques de
J.-M. Degbomont pour la Gaule Belgique, nous pouvons dire que la chambre de
chauffe et le foyer sont du type le plus couramment utilisé pour le chauffage
domestique. Cependant il serait intéressant de mener les mêmes comparaisons
avec d’autres provinces de l’empire afin de préciser ces indices.
Les cas avérés de chauffage domestique sont
rares dans tout le monde romain. En effet les hypocaustes ayant cette vocation
sont toujours moins nombreux que ceux destinés au chauffage des bains, cela
même dans la partie septentrionale de l’empire. En Gironde, après examen de la
Carte Archéologique du département (C.A.G . 33) il semble qu’aucun cas de
chauffage domestique ne puisse être attesté formellement. Seuls deux cas
semblent s’en rapprocher assez fortement. Le premier est proche
géographiquement de Cénac. Il s’agit de la villa gallo-romaine de Camblanes et
Meynac (3 km de distance). Dans la grande villa fouillée de 1968 à 1972, une
absidiole attenante à une grande abside semblait être chauffée comme l’atteste
la présence de quatre tubuli dans les
murs. L’autre cas est situé à Léogeats (C.A.G. 33, n°256). Il s’agit de deux
salles fouillées en 1961-1962. Sur un sol de béton coexistent deux systèmes de
chauffage : un système classique d’hypocauste à pilettes et un hypocauste
à canaux. Dans les murs des deux salles on a retrouvé des conduites en argile.
Sur ce site aucun indice ne va dans le sens de l’exploitation thermale. Il s’agit
donc probablement d’un chauffage domestique.
Comme nous l’avons vu de nombreuses
questions restent posées tant pour la fonction que pour le fonctionnement des
nombreux hypocaustes découverts dans le monde romain. Il serait donc
intéressant de multiplier les comparaisons techniques entre les hypocaustes des
différentes régions afin de créer une classification typologique des
hypocaustes et de leur fonction. Peut-être serons nous ainsi amenés à réviser l’idée
couramment répandue que seules les régions septentrionales de l’empire comportaient
des pièces d’habitation chauffées par hypocauste ; peut-être devrons nous
aussi reconsidérer, d’après ce référentiel, la fonction d’un certain nombre de
vestiges de ce type.
Fabien Balutet ,
article revu et augmenté 2013, première parution dans le Bulletin de la société Historique et Archéologique du canton de Créon 1999.
[1] Toutes les informations rapportées ici
proviennent du rapport de fouille de Patrick Massan (AFAN) et de notre propre
participation au chantier de fouille du Square Saint-André de Cénac
[2] J.-M.
Degbomont, Le chauffage par hypocauste
dans l’habitat privé, p.15
[3] J.-P.
Adam La construction romaine,
pp.287-288.
[4] Ibid.
[5] Macrobe,
Les Saturnales, III, 15, 3 ;
Pline, Hist. Nat .IX, 79 ;
[6] J.-M.
Degbomont, Le chauffage par hypocauste
dans l’habitat privé, p.15
[7] Sénèque,
Epist., XC, 25.
[8] Les
thermes de Stabies à Pompéi furent dotés de tubuli
après le tremblement de terre de 64 ap. J.-C., J.-M. Degbomont, Le chauffage par hypocauste dans l’habitat
privé p.27, note74.
[9] Ibid.,
p.24.
[10] Pompéi
ne compte aucun chauffage domestique sur hypocauste.
[11] http://www.universalis.fr/encyclopedie/coree-arts/3-architecture/
[12]
Ingénieur militaire et architecte du premier siècle avant J.-C. auteur du De architectura
[13] J.
Delorme Etudes architecturales sur
Vitruve, dans Bulletin de
correspondance hellénique LXXIII, 1949, I, pp. 398-420.
[14] J.-M.
Degbomont, lc, p.38
[15] L.c., p.42.
[16] Pline
le Jeune, Epist., II, 17, 9.
[17] Palladius, I, 39, 5.
[18] L.c., p.51.
[19] J.-M.
Degbomont, l.c., p.62.
[20] F.
Kretzschmer, Hypocausten, p.29.
[21]
Vitruve, De Architectura, V, 10.
[22] J.-M.
Degbomont, l.c., p.114.
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